Biarritz a son Hollywood, 2, rue Etcheverry à Biarritz, près de la place Clemenceau. C'est là que Jérôme Dimitri, pour Jevrem Dimitrijevic, tient bou­tique. Avec sa devanture azur, ses clichés noir et blanc en vrac et ses coupures de pres­se, impossible de rater l'en­seigne. Le seuil franchi, l'œil pourrait s'attarder sur la vétus­té du plafond. Mais non : ce qui frappe avant tout le visiteur, c'est l'atmosphère du lieu.
Des dizaines de grands formats illustrent le parcours de Dimitri :ténors de la politique, figures d'une jet-set un peu oubliée, starlettes ou famille royale de Serbie. Derrière le comptoir, Jérôme, que tout le monde appelle Dimitri, raconte ses aventures avec malice et un accent qui crépite. La vraie star, c'est lui.
DÉBARQUÉ EN FRANCE EN 54 de sa Serbie natale, il apprend la langue de Molière grâce à l'Alliance Française. À Paris, une bourse lui permet de se lan­cer dans un cursus scientifique. Sera-t-il ingénieur ? Un ami photofilmeur, parti à la conquête d'un joli minois qui passait par là, lui confie son outil de travail et lui demande de finir la pellicule. Dimitri s'exécute. Il mitraille les touristes et tes amoureux. Le lendemain, son ami lui apprend que ses clichés se vendent comme des petits pains. Coup d'essai, coup de martre. Sa vocation est née. C'est le début d'une carrière que rien n'a stoppé depuis.

PHOTOFILMEUR DE PROFESSION, il arpente depuis 35 ans les trottoirs de Paris et de Biarritz, flanqué de trois appareils montés côte à côte sur une barre métallique. Du Port-Vieux à l'Opeme, en passant par les plages et la rue, vous l'avez forcément aperçu. Lui qui a tiré des milliers de portraits s'inté­resse aux anonymes comme aux stars... et aime qu'on s'intéresse à lui. Avec sa "gueule" à la Bourvil et son charme balkanique, il met en scéne la moindre de ses rencontres. "Il éclate de rire jusqu'au bout du monde", dit-il de son client type, jeune touriste ou retraité. Clic-clac, contact établi, le tour est joué. Dimitri a posé son regard. Ils seront des centaines à défiler dans sa boutique pour acheter la photo souvenir avec la griffe de Jérôme. En noir et blanc envers et contre tout.
Connu comme le loup blanc, il remplit sa mission de photographe : rendre étemels des moments du quotidien. Une anecdote entre mille fait toujours luire son regard. Lorsqu'un célèbre mannequin dont le portrait de Dimitri a fait date, lui déclara : "Jamais je ne te laisserai sortir de ma robe"

Paris, Biarritz, Belgrade : itinéraire d'un photographe

   En dehors de la photo, Dimitri a deux amours : le cinéma et Draga Maschin. Il campe des seconds rôles de caractère dans une quinzaine de longs métrages comme Les culottes rouges, d'Alex Joffé, avec Laurent Terzieff et Bourvil. Dimitri est aussi l'auteur d'un scénario qui attend son heure dans un tiroir.
 Le portrait de Draga Maschin, son égérie chérie, trône dans sa boutique et surtout dans son cœur. Épouse d'Alexandre, fils de la reine Nathalie de Serbie, elle séjourna à Biarritz en 1897. À moins qu'elle ne soit l'actuelle épouse de Dimitri, tant il s'anime lorsqu'il évoque sa légendaire beauté. Paris, Biarritz, Belgrade. Trois volets d'un triptyque où Dimitri rend hommage à sa muse. Pour elle, et pour les européens d'aujourd'hui, l'ar­tiste Dimitri a réuni les villes de sa vie dans une exposition de photos couleur grand format. Montée à Belgrade en 90, on peut aujourd'hui la voir dans son appartement biarrot.

                                         Anthony Schwendt